mardi 10 février 2009

SERRA TALHADA ET LE CANGAÇO

la pierre de la première embuscade

la maison natale de Lampião
A Serra Talhada, je rencontre Lu, ça s'est fait par HC , c'est toujours un peu par hasard, Lu répond presque aussitôt à mon mèl qu'on peut se rencontrer et qu'elle m'attend, elle est au chômage parce qu'elle a laissé son boulot et s'occupe pour le moment de son neveu dont les parents sont partis à São Paulo durant une semaine. Grâce à elle, je pénètre un peu plus dans la réalité d'une ville de l'intérieur, c'est pas planant! Ce qu'elle veut, c'est pouvoir en sortir, c'est plutôt étriqué sur tous les plans, boulot, mec et vie. Elle prend plutôt ça avec philosophie mais ça n'empêche qu'elle est prête à aller voir ailleurs. Comme elle habite un peu en dehors du centre ville, c'est l'occasion pour moi de voir une rue de province, pas encore asphaltée, où les gens sortent leurs chaises et prennent le frais sur le pas de la porte. S'il pleut, ça devient tout de suite de la gadoue et des manoeuvres à n'en plus finir pour ne pas s'embourber. Les grenouilles croasssent dans les terrains vagues alentour.
A Serra Talhada, il y a aussi un musée du cangaço et on est à une trentaine de kilomètres de la ferme où est né Lampião, je ne vais pas manquer ça. Le musée, c'est l'oeuvre de Domá et Cleonice, ils ont monté ça tout seuls, par passion et puis on leur a fourni un local, le musée a deux parties expo des photos et objets puis au fond une salle pour spectacles, visionnements et conférences avec des étagères pleines de bouquins sur les cangaceiros. La fille de l'accueil me donne quelques explications au début puis me laisse voir tout ça à mon aise. Sur une table, des centaines de cordels dont des introuvables, des très anciens, ça demande qu'on y revienne pour fouiller ça un peu plus. Par coup de bol, un de plus , je vais rencontrer le couple et passer la journée avec eux le lendemain. Ça se passe comme ça, Lu m'emmène à l'anniversaire de sa mère, son beau-frére le plus tchatcheur travaille à la télé locale et me parle des gens du musée, de là il téléphone à Cleonice . Comme elle vient au musée le lendemain et compte aller jusqu'á la maison natale de Lampião dont ils s'occupent aussi, tout baigne et moi aussi dans l'ambiance cangaceiro pendant toute une journée. Je pars avec elle, dans l'autre voiture , Domá son mari avec une èquipe de l'université de Recife qui veut réaliser un documentaire de 30mn, (le temps qu'on leur laisse pour l'émission, ils veulent aussi aller à Serra Grande où Lampião et 60 hommes ont tenu tête à 200 policiers et sans perte pour eux et qui reste dans l'histoire comme le plus grand combat du cangaço. Mais dès qu'on aborde le sujet, même si l'on part des faits , on finit toujours à un moment donné par les légendes qui courent sur le compte des cangaceiros, leurs faits et gestes se colportaient par cordel ou par des versions orale et l'imaginaire était lancé.
Au cours du repas, plus tard ils parlent d'un auteur spécialiste du cangaço, Federico Mello de Pernambuco dont j'avais vu la dernière publication à l'aéroport " Quem foi Lampião" et ce que la tablée lui reproche, c'est d'une part de toucher des cachets exhorbitants pour faire une conférence(300 000 R) et avoir des exigences de vedette comme une voiture blindée pour circuler et d'autre part d'"élitiser" Lampião , de vouloir en faire un héros pour une classe bien pensante avec quelques petites inversions sur les chiffres parfois, du style s'il y a eu 5 blessés dans la brigade volante et 1 du côté des cangaceiros, c'est le contraire qui apparait dans le livre. Domá lui reconnaît que c'est un homme qui sait parler et bien présenter les choses alors que lui, s'il se sent en confiance, commence à parsemer le discours d'expressions familières et de jurons et que ça la fout mal.
Cleonice passe tout le trajet à raconter et raconter encore, la petite maison où naquit Lampião et qu'ils ont retapée et transformée en musée est celle de la grand-mère, les parents habitaient un peu plus loin, la mère venaient accoucher là et puis repartait chez elle avec le nouveau-né, Lampião fut le seul à rester là après. Elle me fait part aussi d'une histoire que peu de gens connaissent, la mére de Lampião avait une liaison avec une homme marié et elle tomba enceinte, pour elle c'était la fin , l'amant décida alors de proposer sa petite amie à un homme qu'il connaissait et pour le geste, se marier avec elle, il recevait un lopin de terre, ainsi fut fait. Antônio , l'aîné n'était que le demi-frére de Lampião, il devient lui aussi cangaceiro et meurt acidentellement en chahutant avec Luis Pedro, le cangaceiro recruté à Triunfo. Celui -ci prêt à payer de sa vie pour ce coup mortel, raconte tout à Lampião qu'on est allé chercher à 3 lieues de là puis lui tend son arme en disant: "Voilà mon arme, fais de moi ce que tu voudras" , Lampião lui aurait alors répondu : "Tu es courageux, petit. A partir de maintenant, tu vas prendre sa place et désormais mon frére c'est toi".

Lampião tenait plus de sa mère pour le caractère que du père , plutôt homme pacifique qui voyant la fougue de ses rejetons, avait l'habitude de leur ôter le fusil quand les fils partaient faire la fête mais la mère contournait la maison pour leur redonner en cachette , "Je ne veux pas de fils mort", disait-elle.
On quitte la PE490 baptisée rodovia Virgolino Ferreira da Silva pour prendre le chemin qui méne à la ferme et auquel ils ont donné le nom de Zé Saturnino parce qu'il est un élément-clé dans l'histoire, qu'il fut le premier ennemi de Lampião. Ses enfants habitent encore là et ont des rapports de bon voisinage avec les inconditionnels de Lampião que sont Cleonice et Domá, tout le monde se respecte sans avoir le même avis sur la question.
On va s'arrêter un peu plus loin à la pierre de l'embuscade qui mit le feu aux poudres et Cleonice me donne des détails. Zé Saturnino et Lampião étaient des ados copains comme cochons et puis comme Lampião était trés bon danseur, les dames l'avaient surnommé "pé de ouro" (pied d'or), bon dompteur d'ânes sauvages et excellait dans le pega o boi, (taureau lâché qu'il fallait attraper) Zé commença à éprouver jalousie et envie. Il y eut un petit accrochage pour un engagement non respecté et ça explosa. Il tendit une embuscade aux frères Ferreira à la pierre (photo), l'un fut blessé. Ils cherchèrent alors à porter plainte mais les autorités de désintéressÈrent du cas , là on raconte que Virgolino serait allé acheter deux fusils en disant "les voilà , mes deux avocats" et la mort du père, abattu froidement à la place de ses fils va être la goutte qui fait déborder le vase. Lampião et ses fréres rejoignent le cangaço.