mercredi 17 décembre 2008

LE QUILOMBO DE CASTAÍNHO



Je tiens absolument à aller au Quilombo de Castaínho mais c'est pas de la tarte, il est assez éloigné du centre ville , pas de bus et la route est peu fréquentable aux dires de plusieurs personnes pour faire ça à pied, je fais affaire avec un taxi , Leandro.
Mais quilombo kezako? A l'origine, un quilombo c'est une communauté formée par des esclaves noirs qui fuirent les plantations au début du 17º siècle et se réfugièrent dans des endroits inacessibles où ils reproduisirent le système communautaire de leur pays d'Afrique.
Le quilombo de Palmares créé en 1604 dans l'état d'Alagoas est le plus célèbre pour sa résistance car Zumbi un noir rebelle tint tête aux Portugais et aux Hollandais, on finit par lui tendre une embuscade et il fut poignardé et décapité le 20 novembre 1695. Sa tête plantée sur une lance fut exposée sur la place publique à Recife pour ôter à d'autres noirs l'envie de l'imiter. La date de sa mort est devenue le jour de la conscience noire ici et le quilombo, le symbole de la lutte du mouvement noir au Brésil.
On a accédé au quilombo par un chemin de terre qui débouche devant l'église petite et rose, l'habitat est assez dispersé, 206 familles y vivent principalement du manioc et de la production de farine, mais ils font aussi du maïs, des haricots et des légumes verts. Les maisons sont toute simples, éparpillées parfois peintes de couleurs vives et le linge qui séche rajoute encore une note de couleur qui contraste avec la terre marron. Une gamine passe, ramenant deux vaches. On fait halte devant une maison verte , c'est là qu'on fait la farine de manioc, l'activité principale de la commmunauté, avec 3 récoltes par an. La femme qui nous accueille, Céla, va d'abord me faire me montrer la grande piéce ouverte sur la rue, deux femmes assises sur le sol devant des tas de racines de manioc qu'elles pèlent. A elles aussi j'aimerais poser des questions mais l'autre m'entraîne vers les machines, l'une qui râpe, l''autre qui presse pour retirer le liquide et enfin une qui sèche et tamise. Rien ne se perd car avec les pelures, on fait une farine plus grossière qui servira pour les bêtes, les porcs entre autre. A l'extérieur, il y a des grandes cuves où l'on rince la goma (la fécule) une journée entiére puis on la lave. Céla m'affirme maintenant que la production est d'une tonne par jour alors qu'avant elle a parlé de la même quantité par semaine. Mystére!
Jusqu'en 1987, tout se faisait manuellement et puis la communauté a acheté des machines et avec l'appui d'une ONG Djumbay, elle a pu agrandir et moderniser la maison de la farine. Le quilombo participe à un projet de développement durable "Projeto de desenvolvimento sustentável das comunidades quilombolas no Brasil", une affiche est placardé contre le mur du fonds et il a des subventions ce qui permet de continuer à s'équiper. Tout ça, ça me donne envie d'en savoir plus sur l'histoire et le fonctionnement de la communauté. Céla va juste me dire que dans l'autre maison, séparée de la verte par un sorte de passage couvert, une pièce sert de salle de réunion pour l' "associação dos moradores" (les habitants du lieu) et la pièce du devant sert pour l'accueil des enfants le matin (ils n'ont école que l'aprés-midi), ceux qui ne peuvent pas travailler pour une raison ou une autre (physique, santé...), conclusion: les enfants filent un coup de main mais Céla a fait lever bien vite les deux petites filles qui aidaient au manioc quand j'ai sorti mon appareil pour prendre une photo, le travail des enfants étant officiellement interdit au Brésil. On va aller voir les arbres originaires d'Afrique qui leur ont été envoyés en 2001 pour rappeler aux Noirs leurs racines, juste à ce moment-là passe une femme dont Céla me dit qu'elle est descendante directe des esclaves fugitifs. Des 2 arbres le gameleira a poussé de façon spectaculaire et le baobab lui est plutôt rabougri, apparemment il ne se sent pas chez lui.
Petit tour à l'école, toute nouvelle , pas encore terminée, pour l'instant 2 classes de faites et trois niveaux scolaires dont l'un , la 4º a cours le matin, là Carla nous explique que ça représente un total de 82 élèves, dont quelques-uns sont d'Estiva, un quilombo voisin. Dès la rentrée , l'école va pouvoir accueillir une classe de plus petits et une 6º. Salles rustiques, pas de tables, des chaises en bois avec une tablette fixe, ils devraient en recevoir bientôt des nouvelles avec une tablette rabattable (là clin d'oeil à mes collègues , ça vous rappelle qqch, non?). Les instits ne sont pas d'ici, Carla finit sa formation et aimerait avoir un poste ici. A l'heure où on passe, l'école est vide , approche des grandes vacances, à l'exception de 2 filles qui font du rattrapage. Pas d' adultes parmi les élèves, pourtant certains sont analphabètes, c'est en projet...
En ce qui concerne l'histoire du Quilombo , un seul interlocuteur, le mari de Céla, Zé Carlos, également président de la communauté qui n n'est pas là et pas joignable. On se fait la réflexion avec Leandro, le chauffeur de taxi qu'il pourrait transmettre son savoir à d'autres. Mais j'ai pu glaner quelques infos, que l'histoire de Castaínho était liée à celle du quilombo de Palmares car le lieu fut fondé par un groupe de noirs qui réussit à fuir la guerre menée contre Palmares, il y a 300 ans, ils se réfugiérent sur le Monte Magano puis se dispersérent.
Ce qui est assez curieux, c’est qu’il y a eu un glissement de sens et que quilombo a pris une connotation péjorative chez les voisins, un Argentin qui dit “qué quilombo, che!” veut dire “quel bordel, quel foutoir!” comme si le fait historique avait été déformé, que la seule chose qu’on ait voulu transmettre de Palmares, cette expérience échappant au pouvoir dominant et tendant à instaurer un autre fonctionnement, c’était une idée de désordre anarchique, de confusion.

GARANHUNS L'OASIS

J'arrive à Garanhuns lundi en fin d'aprés-midi, à 6 heures du soir il fait 18°, un délice, une petite brise en prime, je respire enfin mais je vais vite déchanter, hier mardi même tôt la température atteint des records de chaleur, heureusement elle tombe en soirée, Garanhuns est à un peu plus de 220 km de Recife, c'est la ville des fleurs, la Suisse du Pernambouc. Elle a 129 ans d'existence, elle est entourée de 7 collines.
JAMAIS DU PREMIER COUP
Hier matin , aprés quelques longueurs dans la piscine du Sesc, la résidence hôtel où je loge, je pars en chasse, c'est pourtant simple je veux un plan de la ville et bien sûr des renseignements sur le cordel. Je commence par la mairie, on m'envoie au premier étage voir un monsieur qui me conseille de redescendre au rez-de-chaussée chercher un dénommé Givaldo pour le plan et pour le reste d'aller jusqu'au Centre Culturel, Givaldo m'explique que son plan de la ville couvre un pan de mur, est en 6 morceaux et donc difficile à réduire, le mieux c'est d'aller à Secretária de Turismo. Tant qu'on y est, je lui demande s'il a idée de l'endroit où je peux trouver un graveur de son oui, j' y atterris mais pas de pot, rupture de stock jusqu'en janvier et je vais en être quitte pour prendre des notes à la main. Au Centre Culturel, en réalité l'ancienne gare avec son esplanade où passait la voie de chemin de fer, un petit jeune, Wagner me montre la bibliothéque avec quelques cordeìs puis téléphone à un cordeliste pour savoir s'il est disponible, l'affaire est faite, rendez-vous pris pour mercredi à 9 heures du matin. Il me reste le plan à trouver , prés de la Rodoviaria (gare routière), m'a-t-on dit, à côté aussi du parc aux eucalyptus, il y a le Centre Administratif, Là Elaiane me donne effectivement un dépliant sur la ville, on discute un bon moment et je repars avec des cadeaux de la maison, un petit bloc-notes, une brochure sur une église sanctuaire, des cartes postales et un folheto de cordel qu'elle me dédicace. J'y ai passé une bonne partie de la matinée mais je vais répéter une fois encore que les gens ici sont tous des gens adorables , prêts à se mettre en 4 pour vous donner un coup de main, ce que j'apprécie le plus du Brésil , c'est les Brésiliens et dans le Nordeste, cette hospitalité , cette disponibilité c'est encore plus flagrant.
Pas de photo aujourd'hui, mon appareil a la batterie à plat mais ça va venir, je les rajouterai.
CHOSES À VOIR
Le dernier jour que je passe ici, je fais la toutou, la touriste. Le Sesc propose , avec arrêt aux endroits les plus emblématiques, un tour de la ville , c'est parti , on commence en fait par en sortir , on va passer sans s'arrêter devant l'ancienne gare devenue centre culturel et juste à côté la place Guadalajara, une grande esplanade qui doit son nom à une victoire du Brésil contre l'Italie dans un match de foot qui se fit dans le stade du même nom au Mexique, peu aprés on passe devant le monastère de São Bento où l'on peut venir écouter tous les jours à 18h des chants grégoriens et on prend le chemin du Monte Magano (1030m) où se réfugièrent les esclaves qui fuirent du Quilombo de Palmares. De là on voit la fazenda de Serra Branca qui fournit l'eau minérale du coin. En 1954, on a planté là un Christ Rédempteur dont l'artiste dit qu'il est plus près du ciel que celui de Rio, car même s'il ne fait pas la taille de l'autre, il est plus haut que lui car sur un mont. Sur ce mont, chaque année à Pâques , on célébre la passion du Christ mais en la faisant débuter à l'origine de tout, à Adam et Eve, cela dure 4 jours et 4 nuits décor naturel. Après ça, on va aller voir le château de João Capão, un électricien qui avait fait une fixation sur les châteaux médiévaux, l´équivalent d'un facteur Cheval ou d'un Piqueassiette de Chartres. Il a mis 20 ans à réaliser son rêve et à le construire de ses propres mains , aujourd'hui c'est sa fille qui y habite et reçoit les visiteurs. Sans commentaire! Le tour continue par l'horloge de fleurs sur le gazon d'un petit parc à proximité de la radio locale mais elle ne marche plus depuis 4 jours. Après ça, on va aller jusqu'au sanctuaire de Mãe Rainha, inauguré en 2004, identique au premier construit par des jeunes séminaristes à Schoenstatt, en Allemagne en 1914 sur l'initiative de leur directeur spirituel qui cherchait un lieu pour se réunir.
Surprise pour la suite, on va aller à Freixeira voir le sanctuaire de Santa Quitéria, fêtée le 7 septembre; cette fois-ci l'origine c'est au Portugal, un couple de portugais apportèrent la statue de la Sainte et il y eut miracle. L'église est peinte en rose, dépouillée de tout mobilier, les murs couverts de photos et d'ex-voto, le plus souvent pieds, mains et membres en bois. Lula est passé par là (il est originaire d'un village proche), a-t-il demandé à la sainte d'être président, allez on parie que oui! autre personnalité venue ici, Elba Ramalho, une chanteuse nordestine très côtée.
La sainte est dans sa niche, derrière une grille, pourquoi?, il ya eu 2 tentatives de vol qui se sont soldées par des échecs car il se produisit, paraît-il, un vacarme qui alerta les habitants. Le village s'est construit autour du sanctuaire. Si vous voulez demander une grâce, il faut passer sous l'autel à croupetons, ressortir et faire le tour 3 fois de suite. C'est compris dans le voeu que s'il s'accomplit, vous reviendrez remercier la sainte en mettant une photo ou un objet, le plus souvent accompagné de la formule agradeço a Santa Quitéria a graça alcançada, (je remercie Ste Quitéria pour l'accomplissement de mon voeu). A l'extérieur, il y a un musée qui montre des peintures de la sainte et ses soeurs, selon la tradition portugaise, le mère de Quitéria, païenne, mit au monde 9 filles d'un coup mais le père étant absent, elle demanda à sa servante d'aller les noyer pour que l'on ne l'accuse pas d'adultére, cette derniére, chrétienne préféra confier les nouvelles-nées à des nourrices, ce qui n'empêchera pas qu'elles finissent toutes leur vie dans le martyr, Quitéria quant à elle sera décapitée. L'excursion se termine en douceur à la fabrique de chocolat de la ville.