dimanche 8 février 2009

LES FEMMES DU MMTR: ANEIDA (4)


Aneida habite dans une communauté agricole à 10km de Serra où ils montèrent une association pour mieux fonctionner en 2005, elle en a fait d'abord partie comme simple membre puis le président de l'assoc lui a passé les pouvoirs bien que beaucoup d'hommes trouvaient que ce n'était pas la place d'une femme, elle est alors devenue présidente officiellement, pour le deuxième mandat et elle l'est depuis 3 ans. Aujourd'hui, elle a su se faire reconnaître et ceux qui mettaient en doute sa capacité à assurer la présidence ne veulent plus qu'elle lâche le poste . Aneida passe du temps à faire du porte à porte pour réclamer à tout le monde sa cotisation de 8 Reais par mois et tout le monde paie. La communauté produit du maïs , des feijãos et des légumes avec des engrais. Ses 3 enfants ont entre 10 et 15 ans, son mari la soutient dans ses actions et elle étudie aussi, va à la fac l'aprés-midi. Elle aimerait poursuivre après ça avec des études pour être agronome, d'une durée de 5 ans et elle sait que cela pourra être possible car son mari l'y encourage. Le syndicat va fermer ses portes dans quelques instants, pas le temps d'en savoir plus, ça demande à revenir.

LES FEMMES DU MMTR: APARECIDA (3)


Aparecida fait partie du MMTR et également du syndicat . Avant d'être assentada*, elle a occupé des terres, elle et ses enfants ont vécu acampados* ainsi que 57 autres familles pendant 1 an et demi . Un des grands défis qu'elle a eu à relever , ça a été d'obtenir, en tant que femme séparée, un lopin de la terre conquise. C'est une des choses dont elle a souffert, cette discrimination, on la critiquait pour s'être séparé de son compagnon en la rendant elle seule responsable du fait mais elle a aussi été soutenue par des femmes et quand elle craquait, elle a trouvé l'écoute dont elle avait besoin auprés de Vanete qu'elle considère comme une tante.

Elle me dit que si elle doit donner un conseil à une femme qui passe par une crise conjugale, elle évitera de parler de séparation, lui recommandant plutôt d'essayer de régler le probléme avec le mari mais elle la comprendra si elle tient à le faire, elle ne veut pas s'immiscer dans la vie des autres elle se sent juste en mesure de mieux comprendre et de pouvoir écouter.

Il lui a donc fallu gérer seule son quotidien avec ses 3 enfants, deux vont à l'école le matin, le troisième l'aprés-midi pour pouvoir s'occuper des terres le matin.
Les familles assurent une production collective de légumes ainsi que l'élevage des animaux. Aparecida travaille au syndicat 3 jours par semaine et il lui reste 3 autres jours pour pouvoir s'occuper de son propre lopin de terre.
Ils ont créé à eux tous une assoc pour gérer les besoins et problèmes de l'assentamento dont elle a été élue présidente deux mandats de suite, 4 ans au total mais aujourd'hui elle est redevenue un simple membre car elle ne veut pas assumer trop de choses à la fois pour rester efficace dans ce qu'elle fait .
Le deuxième samedi du mois, il y a une réunion de la collectivité pour discuter des problémes , elle étant au syndicat peut les transmettre et voir si on peut recevoir l'appui du syndicat.

Son objectif et défi tout à la fois c'est de faire venir au MMTR encore plus de femmes, elle juge que beaucoup trop vivent encore sous la coupe du mari. Elle m'invite à venir passer plus de temps avec elles pour mieux appréhender leur réalité, c'est tentant, qui sait... un jour peut-être.
acampados* personnes qui occupent des terres en y montant un campement de fortune souvent et revendiquent qu'elles leur soient attribuées. Le campement peut durer des années avant d'obtenir la terre.
assentada* personne qui , ayant fait partie du campement, va recevoir une partie de la terre conquise pour s'y installer et la cultiver, tout en assurant aussi une production collective.

LES FEMMES DU MMTR: BENEDITA (2)


Le MMTR existe depuis le début des années 90 et Benedita aime à dire que c'est une école parce que, au départ, certaines femmes étaient incapables de se présenter, ne serait-ce que pour dire leur nom en public, pas l'habitude de parler d'elles, et qu'on leur a appris. Une école aussi pour le fait qu'il y a toujours quelque chose à apprendre et à tirer des luttes qu'elles mènent. Au commencement , c'est un groupe de 5 femmes qui décident de faire quelque chose pour les travailleuses invisibles avec comme premier objectif, avoir une carte d'identité. Dans le milieu rural, on ne considérait pas important que les femmes aient une pièce d'identité puisqu'elles avaient peu de contacts avec le monde extérieur. Ce qui impliquait aussi qu'elles aient été déclarées à leur naissance, ce qui était loin d'être le cas de beaucoup d'entre elles. Dans sa famille où ils étaient 8 enfants, elle avait 14 ans quand on a fait son acte de naissance et sa soeur aînée en avait 20 et elle était sur le point de se marier. Sa mére était accoucheuse et a aidé bien des femmes à mettre leurs enfants au monde mais elle n'a jamais eu le droit d'être reconnue comme professionnelle et pourtant c'était tout un travail vu que les conditions de vie étaient plutôt limites.

Benedita fait partie de la commission d'état des travailleuses rurales qui réunit 3 fois par an à Recife les coordinatrices des différentes régions du Pernambouc. Au MMTR, les groupes de travail s'organisent autour de thèmes variés, santé, droit, sexualité, problémes des femmes en milieu rural...
Dans les premiers temps, elle était la seule femme à participer aux réunions des travailleurs agricoles, les maris ne laissaient leurs femmes y venir.

Au syndicat, le parcours commence par la fonction de délégué de base, qui va assister aux réunions et se charger de transmettre leur contenu aux gens de son coin. Aprés avoir été suppléante pendant 4 ans, elle est maintenant directrice depuis 7 ans, le mandat étant de 4 ans, elle l'a d'abord été du secteur Sécurité sociale de 2002 à 2006 et actuellement elle l'est des Finances, si elle brigue un troisième mandat il lui faudra changer de fonction.

Benedita vit dans une ferme à 28 km de Serra et part de chez elle tous les matins à 4h30 pour pouvoir être au syndicat pour 7 heures, elle y travaille jusqu'à 13 h et attaque aprés ça sa deuxième journée de travail aux champs. Elle produit maïs, feijão et pastéques surtout pour la conso familiale et vend le reste quand il y a surplus. Pour elle, le problème majeur, c'est la violence contre les femmes.

LES FEMMES DU MMTR: VANETE (1)


J'avais entendu parler des femmes du Movimento das Mulheres Trabalhadoras Rurais (mouvement des femmes travailleuses rurales) et plus spécialement de celles du sertão do Pajeu (région de Triunfo, Serra Talhada, Santa Cruz da Baixa Verde ...) par Zoé et après par Vera comme étant très actives, dynamiques et organisées et j'avais très envie de les rencontrer. En arrivant à Serra Talhada, il y a eu une première rencontre avec Vanete Almeida, une des fondatrices du MMTR du sertão central du Pernambouc (mouvement qui regroupe des femmes blanches, noires, indigénes, métisses et dont les efforts portent sur la reconnaissance d'un statut pour ces travailleuses). Elle l'est également de Rede-LAC (Réseau de femmes rurales d'Amérique Latine et des Caraïbes) mis sur pied en 1990 qui regroupe 25000 travailleuses de 23 pays. Elle vient d'être élue présidente du syndicat, c'est la première fois qu'une femme assume cette fonction. Vanete habite dans une communauté rurale à 13 km de là et et est sur le point de partir en Uruguay pour participer à une rencontre de Rede-LAC pendant une semaine sur l'impact de la crise dans le monde rural et plus spécialemnt pour les travailleuses agricoles. Un livre vient d´être publié sur elles, avec version en espagnol et en portugais. On parle des gros problèmes encore á résoudre et Vanete insiste sur les femmes invisibles , celles dont on ne parle jamais, les handicapées mentales ou physiques , les femmes âgées et sur le théme de la violence domestique où il y a un énorme travail à faire. Elle évoque aussi la discrimination existant encore actuellement sur le droit à la propriété, même au sein du MST: quand une femme peut avoir accès à la propriété d'une terre, la tendance c'est de lui de demander si elle n'a pas un frère ou un fils à qui donner le titre de propriété.

Autre probléme, celui du financement, entre autre, des voyages pour les rencontres entre les femmes du réseau. A l'intérieur du Brésil, le gouvernement paie les billets d'avion mais il lui faut trouver des arrangements quand ça se passe dans un autre pays.

Vanete va aussi me donner les contacts avec les poètes qu'elle connaît et aussi pour pouvoir rencontrer ces femmes qui luttent.

C'est peu de mots pour parler d'elle , de l'immense travail qu'elle a fait en 30 ans, elle fait d'ailleurs partie des 1000 femmes proposées pour un prix Nobel de la Paix collectif en 2005 .

Moi, je lui tire mon chapeau!