jeudi 29 janvier 2009

SERTÃO ET CANGAÇO

C'est dans le sertão qu'est apparu le cangaço dans la deuxiéme moitié du 19° siécle , lié à des questions sociales là où existait un systéme féodal d'exploitation des paysans et des terres et où toute tentative de soulèvement contre le pouvoir établi et les injustices était réprimée ou liquidée avec l'assassinat du rebelle par les jagunços (tueurs à gage des gros proprios). Ça va durer un siècle mais quand Getulio Vargas , le président populiste décide d'en finir avec tous les fauteurs de trouble sur le territoire national et considére que les cangaceiros sont des extrémistes, la chasse s'intensifie, on tend une embuscade à Lampião à Angicos dans l'état de Sergipe et il meurt ainsi que Maria Bonita, sa compagne et 9 autres de la bande le 28 juillet 1938, on va les décapiter, laisser leurs corps sur place pour les urubus (charognards) et exhiber leurs têtes sur les places publiques (ce n'est qu'en 1969 que les têtes de Lampião et Maria Bonita auront droit à une sépulture) leur mort va inciter beaucoup de cangaceiros à renoncer à la lutte armée surtout avec la loi d'amnistie promulguée par G. Vargas en 1940 pour tout cangaceiro qui se rend. Corisco, le diable blond, décide de se rendre avec sa compagne Dadá mais il est tué par balle juste avant de le faire. Il sera enterré mais sa sépulture sera violée et son corps décapité et mutilé, sa tête exposée avec celles de Lampião et Maria Bonita au musée Nina Rodrigues de Salvador de Bahia pendant 30 ans.
Ce qui est curieux c'est que le musée du cangaço de Triunfo a été créé par une bonne soeur qui n'avait pas de sympathie particulière pour Lampião mais comme il recruta deux hommes de la ville dans sa bande, elle a tenu à honorer leur mémoire. L'un d'eux, Luis Pedro devint son homme de confiance et mourut dans la même embuscade. Lampião s'installa dans la région , entre Princesa Isabel et Triunfo en 1923-1924 et vint plusieurs fois après à Triunfo où il avait l'appui de 2 coroneis et quelques hommes politiques jusqu'en 1926.
Dans la première salle du musée, ce qui saute aux yeux tout de suite c'est les armes (fusils et poignards dont ceux de Lampião et de Corisco) et les photos sur tout un pan de mur de quelques moments de la vie des cangaceiros. On trouve aussi des gourdes, des besaces, 2 harnais et des chapeaux. La deuxième salle est plus orientée vers les représentations artistiques : xylogravures et tableaux sur Lampião et on y voit aussi l'acte de naissance et celui du baptême de Virgulino Ferreira dit Lampião. dans les autres salles , c'est plus du matériel de l'époque, tourne-disque, machines à écrire, vieilles radios et puis vient une salle avec des statues de saints et la dernière piéce est en fait une salle de classe pour enfants défavorisés.
La femme du musée m'explique qu'à la mairie travaille une femme qui a écrit un livre et fait des recherches sur le cangaço et qu'on peut aussi visiter la Casa Grande das Almas où se réfugiait Lampião. Terezinha, de la pousada, passe un coup de fil pour prévenir que j'y vais. La maison se trouve à la sortie de la ville, à cheval donc entre le Pernambouc et le Paraíba et appartient à un juge qui a tenu à respecter l'architecture et la structure, il l'a fait restaurer et l'a aménagée. C'est Paulo, le gardien de la maison qui me raconte tout ça, le juge travaille à 50 km de là et ne vient que le week-end. "Il arrive, il change de tenue, c'est un homme tout simple, on le voit là, on ne dirait pas qu'il est juge, j'ai presque l'air mieux habillé que lui" me dit Paulo en me montrant l'endroit de la maison où passe la frontiére, c'est dans la salle à manger mais il se montre sceptique sur cette histoire de refuge de Lampião même si comme tant d'autres ici il le considére comme un héros, courageux possédant le sens de l'honneur et de la justice.
Paulo en profite pour me montrer toute la propriété, de la cave au grenier en passant par la cuisine, dans une maisonnette à côté de la maison et puis les terres et le puits qu'on est en train de creuser, pas de probléme pour le temps qu'il me consacre il est disponible et il rend grâce au ciel de lui avoir donné ce travail, il bosse là depuis 20 ans, il avait commencé à travailler aux champs mais n'aspirait qu'à une chose , trouver un boulot moins tuant et moins ingrat que ça et il a été exaucé, dixit Paulo. Il me raconte aussi qu'il n'a pas d'enfant car il a passé sa jeunesse à courir les filles et aprés trop tard pour le mariage mais il a une bonne amie et ça lui va bien comme ça et comme la soeur du juge qui habite là aussi a pris en charge l'éducation du neveu de Paulo, il ne se sent pas tout seul. Sa dernière confidence c'est pour le football, son équipe favorite c'est l'argentine sans qu'il ait la sensation de trahir le sport brésilien.
J'ai fait une rando avec l'idée d'arriver au Grito, endroit qui servait de repaire aux cangaceiros, bien loin des habitations mais vu la chaleur et le dilemne à une croisée de chemins , je ne suis pas allée jusqu'au bout.
Le sertão impossible de l'oublier dans l'endroit où je suis pour faire ce blog, sur la terrasse de la pousada, à la tombée de la nuit, des centaines d'insectes qui volent bas, des moustiques qui me bouffent les jambes et de temps en temps une grenouille sauteuse, hier j'ai trouvé aussi devant la porte de ma chambre un gros crapaud noir avec des taches blanches sur le dos mais il n'a pas voulu rester pour la photo.

UN PETIT COUP DE CACHAÇA

Faut dire que Triunfo est réputé pour sa cachaça du même nom à la seule différence que ça s'écrit avec ph, venant du latin. La ville s'est appelée comme ça à la suite d'une querelle entre les habitants du lieu-dit Baixa Verde et une grosse famille toute puissante , les Campos Velhos pour une histoire de marché que les gens voulaient créer et que la famille essaya de foutre en l'air plusieurs fois. Voyant cela, les gens de Baixa Verde voulurent se libérer de ce joug et demandèrent à devenir autonomes à l'Assemblée provinciale et au diocèse (on voit les pouvoirs en place!), ce qui leur fut accordé, le lieu fut élevé à la catégorie de bourg et reçut le nom de Triumpho pour fêter leur victoire.
Faut dire ausi que le proprio de la pousada où je suis a des terres, juste derrière le parc de l'auberge, et sur ces terres un engenho où l'on fabrique la cachaça, occasion d'une balade, une jeune femme nous emmène visiter les lieux, d'abord la presse dans la cour où est essorée la canne à sucre après trempage puis les différentes salles pour chaque étape, fermentation, maturation, distillation en alambic et pour finir deux ans de vieillissement en fûts. Une partie de la salle de l'alambic est réservée à la rapadura (confiserie hypersucrée) et à la mélasse obtenue de la canne.
Selon le prospectus placardé au mur de la salle de vente, la cachaça est considérée comme écologiquement correcte, on utilise le coração du produit distillé ce qui préserve son caractére singulier , et son arôme et son goût sont accentués par la culture en altitude avec une grande amplitude thermique allant de 10° en hiver à 26° en été, ce qui donne une maturation excellente pour le produit . Ils ont fait la feria alimentaria de Barcelona il y a deux ans. On peut évidemment la goûter à la plantation comme à l'auberge où le petit tonnelet avec petits godets en plastique trône sur le comptoir qui sépare la cuisine de la salle à manger. Elle est coriace, très parfumée, je pense que je vais en rapporter une bouteille.
On discute un peu avec la fille, elle travaille là depuis 9 ans, en général plutôt dans le secteur fabrication de la confiserie mais il peut y avoir des roulements, les patrons emploient en fixe 9 personnes à l'intérieur et 3 dans les plantations mais au moment de la récolte, il y en de 25 à 30 en plus (coupeurs, chauffeurs, ...) Ici tout se recycle et le reste de canne séche sert de combustible pour les différents appareils. Elle habite une ferme à 2 km du centre ville, se lève tous les matins à 5h30 et vient à pied jusqu'ici . De sa ferme , elle tire juste les légumes pour la conso familiale car ils ont peu de terres cultivables, son père autrefois louait des terres pour produire en grande quantité et faire vivre la famille. Elle s'estime heureuse d'avoir ce boulot car il y a des problémes d'emploi dans la région mais ce qui est sûr c'est que la notion de solidarité et d'entraide est ici une réalité et ils arrivent à s'en sortir comme ça.
La cachaça reçoit aussi parfois le nom de pinga . Doù ça vient? Voilà l'histoire en portugais d'abord.
A cachaça surgiu como tudo por acaso. O caldo de cana levado ao forno pelos escravos era mexido para criar o melado. Um día esqueceram de mexer a panela e o produto azedou. O azedo era alcool que evaporava, ia ao teto e pingava, ja era a cachaça formada que "pingava" daí o nome de pinga. Ao pingar do teto nas costas marcadas pelos açoites, "ardia" muito daí o nome de "agua ardente". Ao pingar ao rosto dos escravos, a bebiam e ficavam alegres então passaram á bebê-la sempre que queriam alegra-se. Qualquer que seja o nome, ela caiu no gosto de toda população.
(fonte: museu do homem do Nordeste)
On a découvert la cachaça , un peu comme tout par hasard. Le jus de canne était appporté jusqu'au four par les esclaves pour faire la mélasse. Un jour ils oubliérent de remuer et le produit fermenta, en s'évaporant vers le toit, le jus fermenté gouttait. C'était déjà de la cachaça qui gouttait d'où son nom de "goutte ". Sur le dos des esclaves marqués au fouet, elle brûlait d'où le nom d'"eau de feu" mais si elle gouttait sur leurs visages il la buvaient , ça les rendait gais et ils prirent l'habitude d'en boire chaque fois qu'ils voulaient se sentir bien. Quelque soit le nom qu'on lui donne, la boisson a conquis toute la population. (source: Museu do Homem do Nordeste)